Abubakar Salim est un artiste. Un meneur empathique, intelligent et réfléchi, ainsi qu'une puissante force créative. De telles qualités sont parfaitement adaptées au fondateur et responsable créatif de Surgent Studios (qui est également un acteur hollywoodien connu pour ses rôles dans Napoléon de Ridley Scott et House of Dragons de HBO).
Le 24 avril 2024, après plusieurs années de développement, de planification et de préparation, Abu a lancé son tout premier jeu vidéo : Tales of Kenzera: Zau d'EA Originals, désormais disponible sur PlayStation 5, PC, Nintendo Switch et Xbox Series X|S.
Nous avons eu la chance de discuter avec Abu de la formidable aventure personnelle et créative qui a mené au lancement de son premier jeu vidéo. Nous avons également échangé sur la manière dont il a concilié son rôle d'acteur avec celui de directeur de Surgent Studios et comment il a canalisé son deuil en une magnifique œuvre d'art.
Merci de nous accorder cet entretien, Abu ! Votre premier jeu vidéo, Tales of Kenzera: Zau, vient tout juste de sortir. Comment vous sentez-vous ?
Fatigué. Très fatigué. [Rires]. Et aussi très heureux, bien sûr. C'est assez bizarre. C'est même vraiment bizarre parce qu'après avoir tenu ce bébé dans mes bras pendant si longtemps, voilà que je l'offre au monde et qu'il va vivre sa propre vie. Je n'ai plus aucun contrôle sur lui. Maintenant que le jeu est sorti, il ne m'appartient plus. C'est aux gens de se faire leur propre opinion. Je ressens donc un étrange mélange d'exaltation, d'impatience et de peur parce que... c'est quelque chose qui a mûri en moi pendant très longtemps. Mais à présent, maintenant que le jeu est sorti, je me sens bien. Les dés sont jetés.
Parlons un peu de ce lien personnel. Vous êtes depuis longtemps acteur dans des jeux vidéo, des films et des séries télévisées. Mais c'est la première fois que vous créez votre propre histoire et votre propre jeu. Comment l'avez-vous vécu ?
La plupart du temps, quand un acteur entre en scène, le gros du travail est déjà fait. On arrive, on joue notre rôle et on passe à autre chose. On respecte l'œuvre et la narration, bien sûr, mais quand on crée quelque chose à partir de rien, on donne une part de soi-même aux autres. On offre une partie de son esprit à quelqu'un, on dévoile ses pensées et ses rêves. Voilà ce qu'on donne aux gens.
Comment avez-vous concilié vos différents métiers ? Vous avez continué votre carrière d'acteur pendant le développement de Zau. Ça n'a pas été trop difficile ?
Je crois que ça m'a fait du bien de continuer à jouer tout en gérant le studio, car ce sont deux activités complémentaires. Elles se répondent et s'enrichissent mutuellement. D'un côté, on vous dit ce que vous avez à faire. De l'autre, c'est vous le capitaine du navire.
Vous avez toujours deux points de vue différents sur les événements. Ces deux points de vue se complètent, dans le sens où ils vous amènent à créer de différentes manières.
Dans les deux cas, la créativité s'exprime librement, et même dans les séries et les films que j'ai faits avant. Autrefois, je tenais absolument à connaître mon texte sur le bout des doigts. Je n'avais pas compris qu'au final, vous imaginez toujours une manière bien précise de dire votre texte et c'est très restrictif. En revanche, si vous vous contentez d'apprendre vos répliques et que, le jour du tournage, vous écoutez la personne en face de vous, c'est beaucoup plus amusant. Et de fait, c'est aussi beaucoup plus spontané et plus fluide. Il y a une sorte d'alchimie qui se crée.
Je me suis servi de cette expérience pour gérer le studio. Au lieu de dire « OK, j'ai toutes les réponses », je suis arrivé avec des idées et quelques réponses, mais aussi avec l'envie de m'ouvrir aux idées de mes collègues et de partager ensemble des moments créatifs.
C'est très intéressant. En fait, vous avez décidé de vous laisser porter par le courant plutôt que de construire un barrage sur la rivière.
Oui, parce qu'avec un barrage, on cherche à contrôler la situation au lieu de se jeter à l'eau. Et je pense qu'il vaut mieux se laisser porter. En tout cas, c'est comme ça que les processus créatifs ont toujours le mieux fonctionné pour moi. Et vous savez, je crois aussi que quand quelque chose ne tourne pas rond, les gens le ressentent. La société nous pousse à vouloir tout contrôler, mais en réalité, on a beaucoup plus de liberté et, paradoxalement, beaucoup plus de contrôle quand on accepte de ne pas tout contrôler. [Rires].
J'adore. À présent, dites-nous pourquoi vous avez choisi le jeu vidéo pour raconter cette histoire. Pourquoi pas un film, une série télévisée ou un livre ?
Pour moi, faire un jeu vidéo, c'est demander au public de voyager activement à vos côtés. Il y a quelque chose de spécial dans le fait de mettre une manette entre les mains du public et de lui dire : « Écoute, maintenant c'est à toi de faire avancer l'histoire. »
C'est vraiment très puissant. Pour nous aussi, c'est un parcours de deuil. Et nous n'avons pas choisi le genre Metroidvania au hasard. Pour moi, c'est un genre qui incarne parfaitement la douleur : une personne seule qui se retrouve dans un monde étrange et qui doit apprendre à vivre avec. C'est cela que les gens ressentent à chaque fois qu'ils lancent le jeu et sont plongés dans ce monde. Ils n'ont aucune idée de ce qu'ils vont faire, ni de ce qui va se passer.
Pour vivre pleinement une histoire, le mieux c'est d'y jouer un rôle. Plus encore qu'au cinéma ou à la télévision, vous devez participer pleinement pour vivre une aventure. Si vous ne faites rien, l'histoire n'avance pas.
En parlant d'histoire, Zau a un aspect méta, car le personnage de Zuberi raconte l'histoire de Zau, qui est celle que nous jouons. Qu'est-ce qui vous a inspiré ce choix ?
J'ai voulu illustrer l'idée que le deuil est intemporel. Même dans un monde où le dieu de la mort existe vraiment, les gens pleurent la perte d'un proche de la même manière que nous, dans notre monde moderne. Le deuil est intemporel.
Parlez-nous du personnage de Zau, qui est vraiment fascinant. C'est un jeune chaman, un guide spirituel pour son peuple, mais il est en deuil suite à la mort de son père. C'est une forte tête qui agit souvent sans réfléchir, pour son plus grand malheur.
Son caractère s'inspire de la réalité. J'ai toujours pensé que les personnages les plus intéressants sont aussi les plus humains, c'est-à-dire qu'ils ont des défauts. Ils ne s'entendent pas forcément avec tout le monde.
Je me suis beaucoup inspiré de mon propre vécu après la mort de mon père. Cette sensation de s'être déconnecté et où je me disais : « Très bien, ça va. Je dois continuer de l'avant », vous comprenez ? Sur le plan émotionnel, cela m'a coupé de beaucoup de gens et aussi d'une part de moi-même. Si j'avais créé Zau comme un personnage triste et en colère mais qui veut faire le bien pour les autres, cela n'aurait pas été honnête. C'est vraiment de là que ça vient.
Vous savez, le deuil vous isole du reste du monde. C'est un processus presque égoïste, et c'est quelque chose que je voulais montrer ici, car c'est ce que le personnage traverse. Pour représenter Zau correctement, il se devait d'être un jeune homme qui traverse cette crise.
Chez EA, nous sommes une entreprise dédiée à la création, l'innovation et la narration d'histoires. Notre but est de créer des expériences totalement immersives pour des millions de joueurs, de joueuses et de fans dans le monde entier. Nous avons eu le grand honneur de soutenir Abubakar et Surgent Studios pour la création et le lancement de Tales of Kenzera: Zau. L'aventure créative d'Abu reflète la trajectoire d'EA, en ce sens qu'elle est une quête perpétuelle d'innovation et d'excellence. Nous nous réjouissons d'avoir contribué à ce cadeau créé en mémoire de son père et nous avons hâte de poursuivre notre aventure afin d'offrir au plus grand nombre des expériences de divertissement toujours plus audacieuses et plus interactives.
Vous voulez participer à l'aventure ? Rejoignez EA pour nous aider à innover et à rendre le jeu en ligne sûr, inclusif et adapté à tous et à toutes. Vous pouvez également lire notre article sur la création de la musique de Tales of Kenzera: Zau avec la compositrice internationale Nainita Desai, lauréate d'un Emmy Award.